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mardi 21 août 2007

Recueillement, Baudelaire, Perec, Miss Yves



Recueillement

Sois sage, ô ma douleur , et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.//

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main; viens par ici,/

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;/

Le soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce nuit qui marche .//

Baudelaire,
Repris dans les Fleurs du Mal, 1861, posth.1868
90 poèmes classiques contemporains ( Magnard lycée)


Lipogramme en "E", Georges Perec
Sois soumis, mon chagrin, puis dans ton coin sois sourd.
Tu la voulais la nuit, la voilà, la voici.
Un air tout obscurci a chu sur nos faubourgs,
Ici portant la paix, là-bas donnant souci

Tandis qu'un vil magma d'humains, oh, trop banals,
Sous l'aiguillon Plaisir, guillotin sans amour,
Va puisant son poison aux puants carnavals,
Mon chagrin, saisis -moi la main; là pour toujours

Loin d'ici. Vois s'offrir sur un balcon d'oubli,
Aux habits pourrissants, nos ans qui sont partis;
Surgir du fond marin un guignon souriant;

Apollon moribond s'assoupir sous un arc
Puis ainsi qu'un drap noir traînant au clair ponant
Ouïs, Amour, ouïs la nuit qui sourd du parc.

"Trois chansons par un fils adoptif du commandant Aupick"in La Disparition, 1965, Ed DenoËl
90 poèmes classiques et contemporains (Magnard lycée)

Pour lire ma version oulipienne de Recueillement avec le retour du"E",
cliquez sur la page jointe(Il y a 2 rimes pour l'oeil: v 6/8 ,v.11:13)

2 commentaires:

  1. (1) Sagesse d'un amphibien
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    La salamandre vit dans la flamme tranquille
    Qui se forme au-dessus du ruisseau que voici.
    Elle passe son temps, recluse, loin des villes ;
    Son âme est sans tourment, son coeur est sans souci.

    Au bord de la rivière, une aragne d’or file ;
    Sa toile de l’insecte aura toujours merci,
    Tranquilles voleront les sveltes drosophiles
    Et tout autre diptère arrivant par ici,

    Loin de tout, traversant la plaine abandonnée,
    Apportant avec eux leur chanson bourdonnée ;
    Au matin, quand le ciel blanchit à l’Orient,

    Un passereau d’azur au bord des flots se perche,
    Et, dormant à demi, l’amphibien souriant
    Entend la mélodie qui s’élève et se cherche.

    (2) Paix d'un animal
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    Un triton fait son nid dans un plasma dormant
    Qui s’accroît plus haut qu’un canal coulant ici ;
    Il vit ainsi, captif, loin d’un urbain roman,
    Sans affliction, sans cri, sans chagrin, sans souci.

    Son voisin fait un fil inactif, mais charmant ;
    Aux animaux s’offrant sous un jour adouci,
    Ni fulminant, ni noir, ni dur, ni alarmant,
    Nul jour par son action tari, ni raccourci.

    Loin, fort loin, franchissant un sol à l’abandon,
    Portant un joli son, la chanson du bourdon,
    Au matin, dans l’azur, au mitan du grand parc ;

    Un piaf au ton saphir au bord du flot chanta ;
    Du triton pur cobalt l’audition s’aimanta,
    Apprivoisant l’amour, ainsi qu’a dit Saint Marc.

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